Etre immergé dans un pays socialement et culturellement différent agit comme un révélateur de ce que nous apprécions dans notre propre pays et qui nous semble naturel…mais qui ne l’est pas tant que ça. Ainsi Juliette s’est rendu compte qu’il n’y a pas de bibliothèques municipales et très peu de librairies à Sainte Lucie. Ça lui semble incroyable. Elle qui a lu 24 tomes de la Guerre des Clans depuis le début de notre voyage, elle aime d’amour les librairies et les biblis ! Cora quant à elle est choquée par le nombre de chiens et de chats errants qui vivent parmi les poubelles. Elle non plus ne pourrait pas vivre ici, ça lui fait trop mal au cœur, elle veut tous les adopter, tous les nourrir (on va attendre un peu pour visiter des pays où vivent des enfants des rues !). Pour Mika et moi, c’est l’omniprésence des déchets qui nous agresse. Désormais les espaces publics ne sont plus nettoyés, balayés, ni entretenus (on en déduit que c’est lié à la crise covid et à la baisse des finances des collectivités). Du coup, les pelouses, bords de mer et rivières sont couverts de déchets et notamment de déchets plastiques (bouteilles plastiques, emballages de KFC, etc.). Notre surmoi écologique est en PLS depuis 15 jours. Nous avons croisé un groupe de touristes allemands (à vélo, forcément à vélo !) qui regardait le chemin côtier jonché de plastiques avec l’air de débarquer sur la lune.
Notre routine de vie continue : marché de Castries le samedi matin, préparation chaque semaine de pains (blancs et complets) et de fougasses. Je cuisine des accras de morue et des bananes plantain frites, comme enseigné par Bernard :-) Après faut faire du sport, parce qu’on n’est pas vraiment sur le régime Dukan là. Tous les soirs, c’est devoirs pendant 1h30/2h (surtout de l’anglais, tant qu’à être dans un pays anglophone) dans le jardin visité par les colibris huppés, et apéros avec notre voisine Lauréna (que les filles n’hésitent pas à battre au Qwirkle, les enfants sont durs !)
Nous passons une journée à Soufriere pour visiter le site de Sulfur Springs. On prend un minibus pour nous rendre dans le centre-ville de Castries, puis un 2e en direction de Soufriere à 1h15 de route (on attend 30mns car les minibus longues distances ne partent que remplis). Enfin, malgré les sollicitations des taxis, on attrape un autre minibus, pour Vieux Fort cette fois, dont on descend 10mns plus tard et on marche 15mns jusqu’à l’entrée du site. Il y a quelques années, au Maroc, cela nous avait valu les reproches hargneux d’un taxi : « Vous êtes fous vous les Français, vous marchez tout le temps ! » Sulfur Springs, ce sont des bains aménagés pour récolter la boue en provenance du volcan. Car Soufriere et ses environs sont situés dans la caldeira du volcan Qualibou, volcan entré en éruption en 1766. L’éruption a fait exploser la chambre magmatique du volcan ainsi que son sommet, ne laissant plus qu’une grande surface plane (de 3 km sur 7) entourée de pics (dont Petit et Gros Pitons), vestiges du dôme qui chapeautait le volcan. Cette surface plane, la caldeira, est particulièrement fertile et laisse apparaitre par endroits des fumerolles de soufre et de petits cratères de boue en ébullition. Les bains, aménagés en aval de la rivière traversant la caldeira, récupèrent cette boue et l’eau soufrée issue du volcan. On se badigeonne joyeusement de boue claire, puis de boue foncée (car oui, l’archéologue en vacances aime à se rouler dans la boue, ça lui rappelle les chantiers de fouille !). Puis on se trempe dans un 1er bain d’eau thermale à 38°, puis un 2e moins chaud, un 3e et un 4e … On prend le temps (Juju s’enduit de boue 3 fois – Mme Shrek dans son marais !). Après cette baignade, nous marchons jusqu’aux fumerolles et aux cratères de boue en ébullition. Des caldeiras similaires existent à Yellowstone, à la Réunion, etc. C’est très impressionnant… mais ça sent l’œuf pourri !
Sur le chemin du retour, une voiture s’arrête sans même qu’on lui fasse signe. Maureen nous propose de nous ramener à Soufriere mais elle doit d’abord faire un crochet par l’ « estate » d’un de ses amis, est ce que ça nous dit de venir ? Bien sûr ! Il s’agit en fait d’une immense propriété sur les hauteurs de Soufriere créée par les ancêtres français de son ami David, arrivés à Ste Lucie en 1678. David cultive des bananes, du café, du cacao, de la muscade, des avocats, des goyaves, des papayes, des oranges, etc. Maureen nous fait faire le tour de la propriété à pieds et on repart avec quantité de feuilles d’orangers (pour aromatiser le thé vert, nous dit-elle, avec un peu de gingembre frais – de fait c’est une tuerie !) et une profusion de muscade. David nous fait gouter des fèves de cacao fraichement extraites de leurs cabosses pour que nous goutions le mucilage qui les entoure. Nous croquons dans des goyaves... c’est le jardin d’Eden ici. Dans la magnifique maison créole de David, Maureen nous offre des fish cakes et du sorrel (jus d’hibiscus Sabdariffa, aussi appelé « Groseille pays » dans les Caraïbes et utilisé pour le bissap en Afrique). Sa recette est bien meilleure que celle trouvée sur internet et que j’utilise depuis notre arrivée ici. La voici : faire bouillir 1.5L d’eau avec de l’anis étoilé, 2 bâtons de cannelle, un gros morceau de gingembre frais et pelé, des clous de girofle et de l’écorce d’orange, lorsque ça bout couper le feu et ajouter 600g de sorrel fraiches, couvrir et laisser infuser toute la nuit. Au matin, filtrer et conserver le jus dans une bouteille en verre au frigo. Servir allongé à l’eau (ou au rhum !), légèrement sucré et accompagné de glaçons. C’est une boisson traditionnelle de Noël dans toute la Caraïbe !
Vendredi nous faisons nos tests antigéniques (uniquement pour les personnes de plus de 12 ans, les filles ont sauté de joie en apprenant ça). Mika et moi prenons le minibus pour l’hôpital Tapion, de l’autre côté de Castries, afin de faire nos tests 24h avant d’embarquer. La réception de nos résultats inspire cette réflexion à Juliette : « Mais, du coup, c’est positif d’être négatif ? Ça n’a pas de sens ! » C’est vrai que ce n’est pas très intuitif. Le soir, soirée sage, il n’y a plus de Friday Party à Gros Islet depuis 18 mois, pour cause de covid. Ici aussi, la bamboche c’est fini !
Samedi 22 janvier, à 5h30 du matin, nous sommes devant le terminal des ferrys Express des îles de Castries pour embarquer en direction de la Guadeloupe, soit 8h de navigation via la Martinique et la Dominique. Problème à l’embarquement : l’employé de l’Express des îles, au bureau d’enregistrement, refuse de nous donner un billet direct pour Pointe à Pitre, il n’en démord pas : nous devrons descendre à Fort de France, reprendre nos 100 kg de bagages, passer les douanes et contrôles, réenregistrer nos bagages et réembarquer à bord du ferry… le tout en 45 min. Et bien évidemment, à 5h30 du mat’, patience et tempérance sont mes premières qualités. Mais, comme toujours, pour un con il y a 10 personnes super, et la gageure c’est de se souvenir de celles-ci et pas uniquement du connard qui n’a pas voulu nous donner les bons tickets. Nous retiendrons donc de cette journée la gentillesse des agents à bord du ferry qui, sans même qu’on leur demande, ont pris sur eux de nous faire sortir en premiers du bateau en arrivant à Fort de France, les douaniers qui ont accéléré la récupération de nos bagages, le policier martiniquais qui a quitté son poste pour nous accompagner à travers tout le terminal et ainsi nous faire gagner du temps, les agents qui ont rouvert le comptoir d’enregistrement qu’ils venaient juste de fermer et enfin le loueur de voiture à Pointe à Pitre qui m’a laissé un message pour nous proposer de venir nous chercher au terminal des ferrys afin que nous n’ayons pas à marcher jusqu’à l’agence. Se souvenir des belles choses :-)
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