Marie Galante ressemble par bien des aspects à Basse Terre (« le Continent » selon eux, tout est une question de points de vue :-) ) : des bustes de Louis Delgrès partout (https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Delgr%C3%A8s), des maisons colorées, des câbles électriques pince-à-lingés d’épiphytes, un phrasé lent aux A ouverts par au minimum deux accents circonflexes, beaucoup de street art sur les murs et la gentillesse des gens. Dans les Caraïbes tout le monde se salue, nous faisons donc de même et distribuons les bonjours comme des politiciens sur un marché dominical. On nous répond toujours, même juste d’un sourire ou d’un coup de menton de loin. Parfois on nous rattrape pour nous donner un conseil de visite, pour savoir comment se passe notre journée ou nous offrir des fruits. « Ça ce sont des mangues dames… car elles sont douces comme les dames ». Une fois même, une vieille Guadeloupéenne nous a lancé : « Vraiment vous, les Blancs, c’est gentil comme Bon Dieu » mais, sur son piédestal, le buste de Louis Delgrès avait une moue dubitative.
Marie Galante a néanmoins ses particularités : l’île est plate comme un dollar des sables, battue par les vents c’est pourquoi on la qualifie d’ « île aux 100 moulins », et dispose de petites distilleries (comparées à celles de la Martinique) autorisées depuis un décret napoléonien à produire un rhum à 59°. Marie Galante est couverte de champs de cannes à sucre ornés de cabrouets (charrettes à bœufs en bois utilisés pour le ramassage de la canne). D’ailleurs, on trouve également des bœufs à chaque coin de pâture avec, sur le dos, un échassier blanc. Très bucolique donc, ce qui vaut à Marie Galante d’être comparée à la Guadeloupe d’il y a 40 ans. Ça c’est pour la carte postale. En vrai, l’île est surtout restée 40 ans en arrière pour sa gestion des déchets : ramassage rare et parcellaire, dépôts sauvages d’encombrants et d’électroménagers partout aux abords des plages, de la mangrove, dans la forêt, et absence de répression visiblement puisque chacun jette allègrement son emballage de frites ou son sac poubelle sur la voie publique sans aucun problème de conscience ou de répression… ça fleure bon les années 80. L’île est jonchée de déchets, de frigos éventrés, de plastiques en tout genre et ressemblera à Ste Lucie d’ici peu.
Bon, mais le rhum avec tout ça ? Nous visitons tout d’abord la rhumerie près de St Louis où nous logeons : la distillerie Poisson qui commercialise Père Labat. Il s’agit d’une distillerie minuscule au regard de la renommée de Père Labat mais très attachante puisque « dans son jus », à l’ancienne. D’ailleurs la visite est libre, chacun déambule au sein de l’usine dans le vacarme des machines et des rails évacuant la canne broyée. Car nous avons de la chance, nous sommes en pleine période de récolte de la canne et l’usine tourne à plein régime. Pas de guide donc, mais les ouvriers en t-shirts maculés et casquettes annonçant « Ici c’est Labat », le slogan de la marque, répondent fièrement aux questions des visiteurs, montrent leurs machines, le chai… une vraie belle visite. Et puis dégustation forcément :-) En même temps, avec un rhum à 59° et les scooters à reprendre derrière, faut être sages.
Autre belle étape à Marie Galante : le Sentier Murat, sentier de randonnée de 3h près de l’Habitation Murat (ou selon Coraline : « la fichue rando ! », oui, c’était un jour sans pour Coraline :-)). Pour ce qui est de l’Habitation Murat, elle était fermée. Les quatre agents du Conseil Général derrière leur bureau nous ont expliqué que ce serait trop compliqué de vérifier les pass sanitaires des visiteurs. Bon, en même temps il n’y a pas foule. Un peu comme la bibliothécaire de Grand Bourg qui a refusé que les enfants restent dans la bibli pour lire des livres (ben oui quelle drôle d’idée ! Juliette lui aurait sauté à la gorge). Covid oblige, elle préférait rester seule dans la bibli (et ainsi continuer pépouz sa conversation au téléphone)… une conception du service public d’il y a 40 ans peut être.
L’île dispose de quelques plages « cartes postales » et, si on fait abstraction des bouteilles plastiques, tongues cassées, et autres merdes qui jonchent les environs, c’est vrai qu’elles sont belles Anse Canot, plage de Moustique, plage Bambou et Anse de Mays. Mais, moi, enjamber les ordures pour aller nager ce n’est pas mon truc. Et la porte de frigo dans le palétuvier et bien je ne vois qu’elle (bon, là ce ne sont que des photos de sable propre. Je n'allais pas faire un post des pires lieux pollués (quoique j'ai hésité)).
Les scooters nous permettent de sillonner l’île et notamment les routes intérieures, particulièrement belles (mais tout aussi polluées, ne rêvez pas). Nous longeons la côte au vent (ça souffle bien sur l’île aux 100 moulins, on se croirait dans les Cyclades), nous nous arrêtons à Gueule Grand Gouffre puis poussons jusqu’à Capesterre où débute un sentier de randonnée à flanc de falaise. Sur le retour, nous empruntons une rue de Grand Bourg parsemée « d’arbres à saucissons » me dit Juliette. Renseignement pris, c’est bien leur nom : des saucissonniers !
Enfin, nous ne pouvions pas partir sans visiter l’autre « petite » distillerie emblématique de Marie Galante : la distillerie Bielle. Un petit bijou de rhum, ayant gagné de nombreux prix et qui se réinvente en permanence puisqu’elle a mis en place un procédé écologique de filtration de ses eaux rejetées (l’Union Européenne finance le projet via le fonds Feader).
Au revoir Marie Galante. Nous n'avons pas eu le coup de cœur escompté mais les voyages servent aussi à cela : faire la part entre l'imaginaire lié à un lieu et la réalité de ce lieu :-)
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